Témoignage de Gilles Raveaud, pour Bernard Maris


Mis à jour le 13 janvier 2015

Notre Bernard Maris


 
Bernard Maris
a été assassiné le mercredi 7 janvier 2015 dans les locaux du magazine Charlie Hebdo, lors de la conférence de
rédaction à laquelle il participait.
 
Bernard Maris
avait de multiples qualités, tant intellectuelles, professionnelles,
artistiques, que personnelles. En particulier, il était doté d’une gentillesse
et d’une bienveillance rares.
 
En tant qu’enseignant,
il possédait avec brio ce qui est peut-être la qualité la plus importante :
la capacité de surprendre, de provoquer, mais aussi et surtout d’expliquer, de
décortiquer, et... de faire rire.
 
Il était un
passeur, un éveilleur de consciences, un « poil à gratter » qui
déshabillait sans cesse les thuriféraires de la pensée libérale pour montrer à
quel point leur pensée allait à l’encontre du bonheur des hommes, du
fonctionnement harmonieux de la société, et de la préservation de notre
environnement.
 
Sur le plan
théorique, il était keynésien, au sens plein du terme. Pour Maris, Keynes
c’était cet « économiste citoyen », celui qui recherche
inlassablement la paix et la prospérité - car Maris n’oubliait jamais, sombre
présage, qu’au bout de l’horreur économique il y avait l’horreur tout court.
 
Lorsqu’on lui demandait
ce que lui, économiste critique radical, pouvait bien enseigner, il répondait
« l’histoire économique ». Aujourd’hui, l’histoire économique a à peu
près disparu des cursus des facultés d’économie - tout comme la lecture des
textes de Keynes. Mais, heureusement, ils sont toujours présents à l’Institut
d’Etudes Européennes !
 
Bernard Maris était
d’une grande érudition, qui ne se limitait pas aux sciences sociales. A l’IEE,
notre priorité première est celle de la culture, entendue comme connaissance
des auteurs, de l’histoire et des sociétés contemporaines. Son combat est le
nôtre.
 
Aujourd’hui, les
facultés d’économie produisent des Jean Tirole (Prix « Nobel » 2013) ,
qui s’opposent au pluralisme au sein de la science économique et veulent
imposer l’hégémonie de la théorie néo-classique.
 
Aujourd’hui, les
facultés d’économie ne produisent plus de Bernard Maris. Et il est à craindre
qu’elles n’en produisent plus jamais.
 
Dans ces conditions, que
faire ? Lire, lire, et encore lire. Lire L’Anti-manuel d’économie de Bernard Maris, qui a connu un succès
considérable dans la population mais qui est à peu près absent des cours de
faculté.
 
Notre peine est infinie
d’avoir perdu sous les balles une personne d’une telle intelligence, d’une
telle humanité. Nous avons perdu un ami.
 
Mais l’IEE et ses
enseignants sont là pour empêcher que sa lumière ne s’éteigne.
 
Gilles
Raveaud, enseignant d’économie à l’Institut d’études européennes de Paris 8

 

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