Ayakan Dükü, transmettre en toute hâte


Ayakan Dükü est fraîchement diplômée d’un master Arts de la scène et du spectacle vivant, spécialité Projet Culturel et Artistique International. Passionnée par la performance et la pratique du corps, cette hyperactive a déjà un riche bagage derrière elle. 
 
« J’adore vivre avec mon corps. Et j’écris. J’écris beaucoup, trop. Je ne le montre à personne. J’aime observer les choses dans la ville, et je regarde beaucoup les gens... » Corps, public, écriture : on pourrait à tort restreindre Ayakan Dükü à ce tryptique. Ce ne serait pas assez. Ayakan le reconnaît, elle est très expansive. C’est qu’elle semble avoir déjà tellement fait que bientôt les mots n’iront plus assez vite. Elle pose un discours construit sur son parcours, se reprend pour s’excuser d’être trop longue et désordonnée, puis finit par avouer qu’à force de réflexivité, sa marmite bouillonne, et a besoin d’exploser. Elle a créé une petite bulle qui va agilement d’un point à un autre pour se raconter. Elle la gonfle à coups de grands sourires, en nous rassurant : tout s’articule, elle arrivera à bon port. C’est qu’il lui faut du souffle pour expliquer les multiples vies qu’elle s’est créées, à vingt-trois ans. En une année, la dernière de son master 2 de Projet Culturel et Artistique International, elle a successivement été performeuse au Palais de Tokyo pour le compte de l’artiste Tino Sehgal, pigiste à la programmation du festival l’Appel à la Lune, assistante de la chorégraphe Sandrine Maisonneuve à la Briqueterie, tout en assurant la conduite de son mémoire et le suivi des cours à Paris 8. Sans avoir envie de dire ouf.
 

La performance comme une révélation


 
Née d’un père ivoirien et d’une mère française, elle se dit « le pur produit de ses parents ». Lui est professeur d’architecture et artiste-peintre, elle travaille auprès des architectes du Louvre. Chez eux, il y a un peu partout des œuvres d’art. Petite, on la trimballe à tous les vernissages. Sa sucrerie préférée est le musée, « une activité géniale, perspective de découvertes, de nouveaux personnages… » Si elle concède qu’il est parfois compliqué de se positionner dans une famille aussi ancrée dans le milieu de l’art, elle a pu savoir rapidement ce qui lui tiendrait les tripes : « La médiation culturelle m’est apparue comme une évidence lorsque j’avais quinze ans. Je veux partager mon amour de l’art comme mes parents me l’ont transmis. Je suis capable de m’émerveiller d’un rien… » Désireuse de se placer en tant qu’intermédiaire entre l’art et son public, elle découvre, lors d’un voyage à Abidjan, l’univers de la performance. De jeunes étudiants des Beaux-Arts s’agitent alors dans les rues de la capitale ivoirienne pour sensibiliser la population au sujet du virus Ebola. « J’ai réalisé que la performance permettait de se créer une identité, de mieux se comprendre soi-même et son environnement, et de formuler une action en étant tout simplement en groupe », explique-t-elle.
 

Apparition dans le métro


 
Ayakan revient en France forte d’une conviction : le public doit être actif, et ne pas se comporter comme au spectacle. De l’interaction nait la surprise et l’émotion. Dans le cadre de sa licence de médiation culturelle, elle qui avait eu la chance de partir un an étudier à Montréal avait déjà forgé un projet culturel à base d’inattendu. Alors qu’elle et ses camarades recherchent l’inspiration, un homme dans le métro attire le regard. Intrigant, charismatique. Le petit groupe décide de l’aborder. Il est réalisateur de documentaires, et le projet partira de lui : un de ses films sera à la source d’un mois d’ateliers, et un squat accueillera les créations portéees par le public dans ce cadre. Ayakan multiplie les expériences, et se trouve invitée, peu après son arrivée à Paris 8, à participer à une performance de groupe coordonnée par Tino Sehgal. Ce spécialiste des situations déboussolantes a reçu une carte blanche du Palais de Tokyo. « Environ cent cinquante individus, dont je faisais partie, devaient effectuer plusieurs actions dans une immense salle, et au milieu du public : courir, marcher, se déplacer, danser, chanter, etc. C’était la première fois qu’il m’était donner d’interpréter, et de passer de l’autre côté de la barrière. Pendant trois mois, j’étais donc vingt heures par semaine à courir, danser, chanter avec des inconnus ! », raconte la jeune femme. Cela n’est pas tout : un temps est dédié aux histoires. Les perfomers s’approchent d’une personne du public, et d’instinct, se livrent. Les réactions sont diverses. Il y a des insultes. D’autres pleurent et tombent dans les bras de leurs narrateurs d’un jour.
 

Une formation professionnalisante et modulable


 
L’exercice est chronophage, mais l’université lui permet de jouer sur plusieurs tableaux. Fatiguée d’être étouffée par des cadres trop stricts, Ayakan loue la philosophie de ses enseignants à Paris 8 : l’étudiant est libre de donner à sa formation la tournure qu’il souhaite, à condition de s’engager pleinement dans ses projets. « J’ai beaucoup aimé les CreaTIC, les séminaires professionnalisant. Ils permettent de rencontrer des intervenants le temps d’une semaine. Par exemple, j’ai assisté à un CreaTIC sur les arts numériques. Nous avons été accueillis au 104 par des professionnels du marketing artistique, de la technologie en art, etc. Cela nous permettait de les interroger concrètement sur la meilleure manière d’agir au quotidien, de monter des projets avec des budgets réduits et de se faire une bonne idée de la réalité de certains métiers », apprécie-t-elle. Elle se souvient d’un moment privilégié avec l’équipe du théâtre de la Commune d’Aubervilliers, idéal pour appréhender comment se pense une programmation. Elle effectue ensuite son stage à la Briqueterie, centre de développement chorégraphique situé à Vitry-sur-Seine. Sous la coupe de la chorégraphe Sandrine Maisonneuve, elle se charge de l’organisation d’un nouveau projet un peu fou : proposer une performance dansée à des familles de la ville, qui se produiront dans une maison reconstituée. Comprendre comment les liens se tissent dans un foyer, comment ils s’expriment dans une gestuelle quotidienne. Il faut convaincre les familles, toquer aux portes en essayant d’intimider le moins possible. « C’était difficile à mettre en place ! Il faut accepter de laisser rentrer une artiste dans son intimité. Sandrine Maisonneuve offre une grande ouverture et une belle sensibilité à tous les participants. Nous avons rencontré des familles extraordinaires, un couple de personnes âgées, une femme seule, une mère et son fils… » Ayakan n’en revient toujours pas qu’on lui ait laissé les rennes d’une telle initiative. Mais la voilà déjà repartie sur le trampoline, chaque initiative apportant la force du bond suivant.
 
Lorsque nous la retrouvons, elle a soutenu la veille son travail de recherches sur « La performance comme outil d’émancipation pour les femmes dans l’espace urbain ». Elle réfléchit beaucoup à toutes les formes qui puissent aider à diminuer la chape de plomb qu’une ville peut déposer sur ses habitants. À peine avait-elle bouclé son année qu’une compagnie de danse/performance lui proposait de la rencontrer pour devenir chargée de médiation culturelle…
 
Pour visiter le site du département Théâtre.
 
Article réalisé par le service communication.

Ayakan Dükü est fraîchement diplômée d’un master Arts de la scène et du spectacle vivant, spécialité Projet Culturel et Artistique International. Passionnée par la performance et la pratique du corps, cette hyperactive a déjà un riche bagage derrière elle.

Recevez les actualités de l’université Paris 8