15th Beyond Humanism Conference - Posthuman Art, Creativity, and Play in the Age of Artificial Intelligence
Mis à jour le 18 juin 2025
Le 15ème colloque international « Beyond Humanism » interroge la place de la créativité et du jeu à l’ère post-, trans- et métahumaine, en soulignant leur rôle comme espaces d’expérimentation mêlant règles formelles et improvisation. On s’intéressera particulièrement à l’émergence des intelligences génératives (IA, algorithmes) comme co-auteurs, aux relations entre agents humains et non-humains, et aux enjeux éthiques, politiques et esthétiques de cette co-création.
En tant que structure formelle, le jeu repose sur un certain nombre de règles, de contraintes et sur une logique systémique qui rappellent les protocoles algorithmiques, compris comme une série d’instructions permettant la réalisation d’une tâche. Or, le jeu occupe également une place centrale dans certaines méthodologies propres à la recherche-création. À titre d’exemple, on pourra citer les contraintes formelles que s’imposaient les membres de l’Ouvroir de Littérature Potentielle (Oulipo), ou encore les pratiques de Fluxus, mouvement artistique des années 1960 qui proposait des “scores” ou instructions performatives, à mi-chemin entre protocole algorithmique et acte ludique. Le jeu était dès lors intégré dans des performances participatives où le spectateur était invité à interagir avec les matériaux, brouillant ainsi les frontières entre artiste et public. On pourra également convoquer la notion de feintise ludique développée par Jean-Marie Schaeffer, laquelle renvoie à une suspension volontaire du réel lors de l’immersion dans une œuvre de fiction. Dans le contexte d’une réflexion posthumaniste, le jeu s’inscrit dans une esthétique où le décentrement de l’humain, la co- création et l’incertitude deviennent des valeurs centrales. Cette esthétique privilégie une logique relationnelle, où le ludique est un terrain d’expérimentation permettant de repenser les formes d’expression et de collaboration : jouer permet à la fois de critiquer les structures traditionnelles de l’anthropocentrisme et de favoriser l’émergence de nouveaux modes d’agentivité où les acteurs humains et non humains co-construisent un espace commun.
Avec l’émergence des technologies numériques, les protocoles algorithmiques trouvent un nouvel élan dans les pratiques posthumanistes, où l’humain n’est plus envisagé comme le seul agent de la création. Les algorithmes, de simples outils, deviennent co-auteurs. Les intelligences artificielles génératives, telles que GPT ou des systèmes d’art computationnel comme DeepDream, Dall-E ou Midjourney, s’inscrivent dans cette dynamique. Aussi le jeu dépasse-t-il sa fonction tradreheritionnelle de simple divertissement pour devenir un espace de (re)négociation des subjectivités humaines et non humaines. En cela le jeu est devenu un dispositif central dans la reconfiguration des rapports entre humains, machines et création littéraire et/ou artistique alors que les environnements numériques—jeux vidéo, récits interactifs, et dispositifs de réalité virtuelle—mettent en scène des dynamiques où l’humain interagit avec des agents non humains (algorithmes, avatars, interfaces), brouillant les frontières entre créateurs, joueurs et machines. Le jeu déstabilise en effet le concept d’un moi unifié en ce qu’il ouvre un espace propice à des expériences de pensée pour ainsi dire incarnées, et permet la coexistence de subjectivités multiples, qu’il s’agisse du jeu de l’acteur.ice face aux écrans, d’une performance artistique qui décentre le sujet en explorant les dimensions non humaines ou d’une session vidéoludique, ce qui nous invite à repenser, entre autres, les notions de présence, de corporéité et d’identité.
Dans un cadre vidéoludique, l’interaction avec des réseaux récursifs de neurones comme avec d’autres technologies émergentes complique les identités, les pratiques et les processus de jeu en permettant aux joueurs d’explorer une autre forme de relation au monde à travers l’interaction homme-machine. En interagissant avec des algorithmes, les joueurs co-créent une histoire, modifiant non seulement le déroulement du récit, mais aussi leur perception d’eux-mêmes en tant qu’agents à la fois augmentés et amputés, tout autant réels que virtuels. Cependant, les joueurs jouent-ils ou bien sont-ils pour ainsi dire joués ? Faut-il inventer un nouveau concept qui permette de rendre compte de cette nouvelle modalité de jeu, ou comment les jeux modernes naviguent entre les contraintes du ludus et les espaces plus ouverts du paidia ? Quel espace subsiste-t-il pour l’imaginaire et la création dès lors que le système s’adapte aux joueurs selon une logique de contrôle cybernétique ? En contexte créatif, dans quelle mesure ce décentrement relève-t-il d’une véritable resubjectivation par le machinique ?
En tant qu’art vivant, le théâtre constitue également un espace privilégié pour explorer les implications philosophiques et esthétiques des interactions homme-machine en revisitant les frontières entre l’humain et le non-humain. En effet, les dispositifs technologiques permettent non seulement de mener des expériences de pensée inédites en interagissant avec des entités virtuelles en instaurant une boucle cybernétique entre agents humains et non humains. Les machines, qu’il s’agisse de robots humanoïdes, d’avatars numériques ou de dispositifs interactifs, sont envisagées non comme de simples outils, mais comme des partenaires créatifs. Elles participent activement à la mise en scène, à la dramaturgie et parfois même au jeu d’acteur. Cette approche reflète une hybridation de l’humain et de la machine qui ouvre la voie à un “théâtre augmenté”, où les limites traditionnelles de la corporalité et de la présence scénique se trouvent redéfinies. Le théâtre devient alors un laboratoire pour expérimenter de nouvelles relations entre les êtres humains et leurs doubles technologiques. Loin d’être le seul miroir des angoisses technologiques de l’époque, la scène devient un espace d’expérimentation qui permet d’imaginer de nouvelles formes de coexistence et de créativité entre les entités biologiques et artificielles. En effet, selon Georges Gagnéré, ces interactions technologiques transforment le comédien en une figure médiatrice entre l’organique et le mécanique. Dans certaines œuvres, les acteurs doivent s’adapter à des partenaires artificiels, apprendre à réagir à des stimuli algorithmiques ou intégrer des prothèses numériques dans leur performance cyborg. Ces dispositifs interrogent de fait la notion même de performance : où commence l’humain, et où s’arrête la machine ?
15th Beyond Humanism Conference - Posthuman Art, Creativity, and Play in the Age of Artificial Intelligence
English version
Organisation :
Le réseau scientifique Beyond Humanism qui réunit : Université Paris 8 (France), Université de la mer Égée (Grèce), Ewha Womans University (Corée-du-Sud), John Cabot University (Italie), AGH University of Science and Technology (Pologne)
Pour Paris 8, sont impliqués les laboratoires TransCrit, AIAC, CEMTI, LLCP, Paragraphe
Enfin, cet événement s’inscrit dans les travaux du programme scientifique (research cluster) de l’alliance ERUA « Confronting Crises : Beyond Forms of Humanism ».