La présidence sous Irène Sokologorsky
Un rapport complexe avec le PCF et les soviétiques
À son arrivée à Saint-Denis, l’université de Paris VIII Vincennes suscite la méfiance de la mairie communiste en place. Elle voit en effet celle-ci comme un centre rassemblant des acteurs du “gauchisme” post-68, ce qui n’est pas en accord avec la ligne du parti, qui a été durcie par Georges Marchais. En effet, l’année 1977 marque la rupture du programme commun avec le Parti Socialiste, et un retour à une ligne idéologique sévère sous l’impulsion de Georges Marchais, dans l’objectif de tenir face à la pression socialiste. Ces changements entraînent une rupture de nombreux militants avec le PCF donc de nombreux intellectuels. Claude Frioux, ayant lui aussi été président de l’université de 1971 à 1976, puis de 1981 à 1986, s’écarte du PCF et fait partie des premiers à exprimer une rupture entre le communisme Français et le communisme Soviétique. De la même manière, lui et Irène vont soutenir en 1968, une manifestation russe contre l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’URSS. Néanmoins, Irène Sokologorsky reste très liée à l’URSS puis la Russie, et elle a à cœur de développer les relations internationales de l’université. De plus, à partir de 1990, le nouveau maire communiste de Saint-Denis, Patrick Braouezec, est beaucoup plus favorable à l’université, et travaille étroitement avec Irène Sokologorsky. Dans ces années-là, l’université développe de plus en plus de liens avec le territoire et la commune de Saint-Denis. Ainsi, si les années 1980 sont une période de crispation du PCF et de repli de l’université dû à son déménagement forcé, les années 1990 représentent une période d’ouverture et d’expansion.

La présidente d’une université en pleine croissance
Ainsi, en 1991, Irène Sokologorsky accède à la présidence de l’université dans une période de reconstruction et d’expansion de l’université. Elle croit fermement au potentiel de Paris VIII, qui fort de son héritage, est capable de proposer des enseignements d’excellence aux étudiants, de produire de la recherche de qualité. Il s’agit également selon elle d’un lieu de vie, dans lequel les étudiants ont accès à des pratiques culturelles, et ont l’occasion de cultiver leur ouverture d’esprit, que cela aboutisse à un diplôme ou non. Malgré tout, si à son sens l’université française s’est parfaitement adaptée au contexte et à la demande sociale, elle ne doit pas devenir “une université comme les autres” et cultiver son héritage.
Dans ce sens, Irène Sokologorsky a eu à cœur de développer les infrastructures de l’université, en participant au plan université 2000, ce qui a abouti à un agrandissement significatif des locaux et à la mise en place de la bibliothèque universitaire. Parallèlement, l’université a multiplié les interventions auprès du Syndicat des Transports Parisiens conjointement avec la ville de Saint-Denis ainsi que le Département pour enfin obtenir en 1996, une nouvelle station de métro pour la ligne 13. Ainsi, Paris VIII n’est plus qu’à vingt minutes du centre de Paris ce qui permit de contrecarrer sa situation excentrée.
Regrettant la période de repli sur elle-même de l’université du fait de son déménagement forcé à Saint-Denis, plusieurs évènements furent organisés pour renforcer la cohésion au sein de la communauté universitaire, renouer avec les racines vincennoises, favoriser les rencontre, mais aussi pour rendre Paris 8 plus ouverte au monde extérieur.


Faire vivre l’idée d’une communauté à Paris VIII et renouer avec Vincennes
Durant son mandat Irène eut à cœur de maintenir et renforcer le sentiment de communauté au sein de Paris VIII. Dans une optique de diffusion et de circulation de l’information au sein de l’université plusieurs journaux, que l’on peut retrouver dans le fonds Vincennes, virent le jour. Par exemple, le journal PASSERELLES, publié pour la première fois en mai 1993étaitadressé aux enseignants, aux membres du personnel, aux associations et aux syndicats étudiants. Le feuillet d’informations TRAIT D’UNION était distribué à l’occasion des temps forts de la vie universitaire et diffusé en interne. IATOSS INFO était dédié au personnel non enseignant. Le journal mural INFO DOC était quant à lui affiché dans les lieux centraux de l’université, les UFR et les services pour signaler à la communauté les textes d’ouvrages et les publications liés à l’université.
Pour renouer et renforcer les liens entre l’équipe administrative et professorale de Paris VIII plusieurs rencontres festives furent organisées. Les 16 numéros du journal Passerelles, publiés entre 1993 et 1996,en rendent compte. Des inaugurations accompagnèrent l’ouverture des nouveaux bâtiments. En janvier 1992 est initiée une Fête de la galette pour le personnel administratif. A sa suite en 1994, une fête annuelle des personnels (enseignants et administratifs) est également instaurée.
Ces épisodes festifs étaient des occasions de renouer avec l’histoire et les racines vincennoises de Paris VIII chères à Irène Sokologorsky. Ainsi, la célébration du 25ème anniversaire de la fondation de Paris VIII, se déroulant tout au long de l’année 1994, donna lieu à plusieurs manifestations dans les différents domaines de l’expression artistique et culturelle et de la recherche.
Autre cérémonie marquante, celle du 25 novembre 1995. Durant celle-ci fut solennellement planté un chêne du bois de Vincennes symbolisant le souvenir et la volonté de fidélité à ce prestigieux passé. Dans la même veine, dès les premiers jours de sa présidence, Irène avait fait modifier la devanture de l’université alors nommée “Vincennes à Saint-Denis” en “Vincennes-Saint-Denis”. Par-là, était signifié que Paris VIII était désormais à la fois Vincennois et Dionysien.

Une politique d’ouverture sur l’extérieur
Désormais, l’objectif de l’établissement est de s’intégrer dans son environnement proche, de contribuer à son développement, sa vie culturelle, et de proposer des formations de qualité à ses habitants, issus en grande partie des classes populaires. Face aux difficultés posées par l’environnement proche de l’université, Irène Sokologorsky fait le choix de l’ouverture. En effet, suite aux violents incidents provoqués par les jeunes de la cité Allende proche de l’université, elle a privilégié le dialogue pour arriver progressivement à une régulation. De manière plus générale, Irène Sokologorsky a voulu inclure les habitants du quartier proche mais aussi du reste de Saint-Denis, des enseignants extérieurs à l’université ainsi que les salariés des collectivités locales. De plus, l’université entretient de nombreuses relations internationales, ce qu’Irène Sokologorsky a valorisé pendant son mandat.

Les Mardi de Paris 8 et les séminaires pédagogiques : redonner une place au débat pédagogique
Sont alors organisés Les Mardis de Paris 8 et des Séminaires Pédagogiques annuels conçus comme des lieux de rencontre pour l’ensemble de la communauté universitaire. Ces Mardis et ces séminaires étaient des premiers pas vers une université ouverte qui pourrait accueillir à Paris VIII des visiteurs de l’extérieur, mais aussi se rendre dans des municipalités, des entreprises, des clubs, des établissement publics et privés pour rencontrer un public plus large et engager un dialogue avec eux.
Entrer en relation avec l’environnement immédiat, les collectivités locales et le tissu économique
Dans les années 1990 un nombre croissant de formations, de recherches et d’actions s’orientent vers la connaissance de la ville et du lien social. Ainsi de 1992-1994 le recto-verso Brèves Banlieue rédigé sous la direction de Bernard Charlot s’est donné pour tâche d’informer la communauté universitaire de l’ensemble des activités tournées vers la connaissance de la banlieue développées par les équipes de Paris VIII.

Ce feuillet, ainsi que quelque autres fascicules tels que l’Annuaire Paris 8-villes, banlieue, lien sociale de 1993 témoignent des démarches de cette période sur la volonté de développer et de mieux faire connaitre la recherche et le partenariat entre l’université et son environnement proche.
Une université plus ouverte sur les problèmes du monde
Sous le mandat d’Irène Sokologorsky il y a une volonté de se tenir informé sur le monde. Une cellule humanitaire, le Comité d’action de solidarité universitaire internationale (C.A.S.U.I.), organisèrent plusieurs débats sur des questions d’actualité internationales. De ces réflexions et et des activités économiques et culturelles en sont issus des guides comme celui Les Afriques à Paris 8.
L’ensemble de ces épisodes permirent de revivifier et redynamiser la communauté universitaire. Ainsi comme elle l’analyse dans L’université Paris 8, 1992-1996. Eléments d’un bilan, rédigé en 1997 :
« S’ils ont donné aux membres fondateurs le sentiment de retrouver quelque chose de leur passé prestigieux, ils ont surtout contribué d’une manière déterminante à intéresser à la démarche spécifique de Paris 8 les enseignants et administratifs arrivés plus récemment. »
Irène Sokologorsky, L’université Paris 8, 1992-1996. Eléments d’un bilan, 1997, p.73, conservé dans le fonds de Vincennes par la Bibliothèque Universitaire de Paris VIII.