Témoignage d’Olivier Pastré, pour Bernard Maris


Mis à jour le 13 janvier 2015

Oncle Bernard : tu nous manques déjà


Dieu - sic -
sait que tu m’énervais parfois. Pourquoi fallait-il que tu pousses parfois trop
loin tes critiques les plus pertinentes sur les dysfonctionnements de
l’économie de marché mondialisée ? Pourquoi fallait-il que tu désignes certains
tenants de la pensée néo-libérale comme bouc-émissaires si faciles à
« dézinguer » ? Tu étais trop talentueux pour, dans certains
cas, te laisser aller à de telles facilités. Tu avais par ailleurs quatre
immenses qualités qui font, pour certaines, défauts à tant de tes confrères
 
D’abord si tes
propositions étaient parfois critiquables, voire à mes yeux, ridicules, ton
diagnostic l’était rarement. Par ailleurs, tu étais pédagogue. Tu maîtrisais l’économétrie
mais tu n’en étais pas le valet. Ce que tu voulais c’est te faire comprendre du
plus grand nombre. Suivez mon regard...
 
Troisième
qualité, tu étais cultivé et c’est là que tu te distinguais le plus de la
plupart de tes « confrères ». Tu connaissais l’Histoire. Tu aimais la
philosophie. Tu savais même décrypter la peinture et la musique. Ton « Antimanuel
d’Economie » en deux tomes ( Bréal, 2003) est, de ce point de vue, un
modèle d’analyse économique lumineux (au sens du XVIII ème siècle).
 
Enfin tu étais
drôle - et là le fossé se creuse encore plus. Mais faut-il à tout prix être
sinistre pour parler d’économie ? Ne peut-on pas avec un bon dessin (mes
pensées vont à la famille de mon ami Charb) ou un bon mot faire plus qu’un long
discours ?
 
« Oncle
Bernard » (ton « pseudo » dans Charlie Hebdo), tu nous manques
déjà. Tu étais favorable à la sortie de la Grèce de l’Europe. Tu étais - comme
moi - pour une immigration contrôlée mais massive. Tu étais contre toutes les
lois Macron. Tu étais donc essentiel aux débats que la France va avoir à ouvrir
et nourrir en 2015. A ce titre, tu étais très utile à ton pays que tu aimais,
cinquième vertu dont certains « paons » économiques actuels ne
peuvent pas se parer.
 
A l’heure ou
l’école française d’économie se distingue à l’échelle mondiale avec Thomas
Piketty et Jean Tirole (qui, à ma connaissance, t’apprécieraient tous deux), tu
mériterais de figurer sur le podium. Pour ta soif de connaissance et pour ton
non conformisme (creuset de tout progrès scientifique).
 
Quelles que
soient nos tropismes intellectuels, je pense ainsi que tous les économistes
français dignes de ce nom peuvent fièrement aujourd’hui affirmer pour faire pièce à la
barbarie « Nous sommes Oncle Bernard ».
 
 
Olivier
Pastré

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