Jean-Philippe Dequin, responsable de l’Action Culturelle et Artistique


Jean-Philippe Dequin, responsable de l’Action Culturelle et Artistique, est un collègue talentueux et animé par sa pratique musicale. Il développe au sein de son service des ateliers pour partager son infinie passion pour la musique. Une passion qu’il nous livre un peu, sur son habituel ton enjoué, ainsi que le récit de son arrivée, très jeune, à Paris 8.

Quel parcours as-tu suivi et qu’est-ce qui t’a amené à Paris 8 ?


A 19 ans après une année de sociologie à Paris-Descartes je pars pour Londres mais n’y resterai que quelques mois car ma demande d’inscription à Paris 8 a été validée. Je reviens donc en septembre et entre en 1ère année de licence au département musique. Ayant fait partie entre 8 et 18 ans de la Chorale des Enfants de Bondy, à mon arrivée je m’inscris naturellement au cours de pratique et direction chorale, qui deviendra le Petit Chœur et dont sera issu l’ensemble vocal Soli-Tutti. Un peu plus tard je travaillerai un an au service du planning avant d’intégrer l’ACA à sa création, avec Eveline Andréani, Denis Gautheyrie et Marie-Jo Merchez. L’ACA se verra confier la gestion de l’amphi X en 1990, le bâtiment L étant tout juste sorti de terre avec ses deux amphis tout neufs, ses deux salles de réunions Z1 et Z2 et sa cafétéria "Le Z’amphi-bar" (aujourd’hui devenue un tiers lieu).

À quoi ressemblait Paris 8 lors de ton arrivée ?


On est en 1988. Francine Demichel est présidente. Moins de 10 ans après l’installation à Saint-Denis, l’Université est composée d’un seul campus (les actuels bâtiments A et G) incluant la bibliothèque (aujourd’hui salles d’art du plot A1) et le restau U (espace Deleuze). Quelques préfas inconfortables (bâtiments H, J et K) sont installés de l’autre côté de l’avenue de Stalingrad pour éviter la saturation. Aucune passerelle n’existe encore, on traverse la rue pour s’y rendre. Il faudra malheureusement qu’un accident tragique déclenche l’installation d’une passerelle : un chauffard qui renverse en pleine nuit un gardien sur la chaussée, nous enlevant une personnalité surnommé Liszt à cause de sa longue chevelure blanche et son amour pour le piano.
L’entrée de l’université se fait par le parvis du 2 rue de la liberté et il n’y a guère que quelques arbres ou hauts buissons en guise de clôture extérieure.
A la place du métro, une vieille bâtisse "La grange aux belles" où sont aménagées des salles de cours. L’espace manque cruellement.
L’ACA est au 1er étage du G, juste sous la reprographie qui occupe trois bureaux de l’actuelle communication au 2ème étage, avec quelques nuisances sonores qui ne semblent déranger personne. Au rez-de-chaussée, la crèche. Au 4ème, la cuisine.
L’informatique en est à ses balbutiements : mon premier outil de travail sera un petit Mac à disquette à peine plus performant qu’un minitel, avec le très redouté et trop fréquent "system error" en forme de bombe qui vous oblige à recommencer tout votre travail. Les bons de commande sont faits à la main sur des formulaires autocopiants en 4 exemplaires. On utilise beaucoup le téléphone et la visite aux collègues. J’ai eu la chance de collaborer à cette époque avec ceux qui avaient participé à l’épopée vincennoise. La nostalgie des années 70 est présente mais la vie à Saint-Denis est belle aussi, finalement. Aujourd’hui, à l’heure où les derniers rescapés prennent leur retraite, je constate avec plaisir que malgré les changements immenses qu’a connu l’université dans tous les domaines, un certain esprit de Vincennes continue de perdurer et se transmettra longtemps j’espère !

Comment est née la galette ?


Début des années 1990, l’ACA avec le CASC (Comité d’Action Sociale et Culturelle) et le SACSO (Service d’Action Sociale et Culturelle, la Billetterie d’alors) inventent un rendez-vous du personnel en janvier dans l’esprit de Vincennes : tout le monde s’y retrouve, du contractuel à la direction. Les deux premières années, des artistes sont invités mais feront vite place à un spectacle joyeusement débridé et "fait maison" par les collègues eux-mêmes. Je remonte la chorale de Paris 8 avec des membres du personnel, Mireille Blanc fait les présentations, Alice Mequesse et Bernard Jourdain lisent des poèmes, Marie-Jo Merchez, Denis Gautheyrie et moi créons chaque année un gala enchaînant gags et prestations artistiques. Le mot de la fin est laissé à la présidente et tout se termine autour d’un banquet de galettes et de cidre, un peu comme dans les albums d’Astérix.

Quelle place occupe la musique dans ta vie ? Que représente-t-elle pour toi ?


J’ai eu la chance de suivre un parcours atypique. J’ai été formé pendant 10 ans dans un chœur de 60 enfants où sans effort j’ai tout appris, même sans lire la musique puisque nous travaillions tout de mémoire et d’oreille, un répertoire de chansons de France et d’ailleurs, dans des spectacles chantés et dansés, des tournées et des shows TV (aux côtés d’Annie Cordy, Guy Béart, Tino Rossi, Gérard Lenorman, Jean Guidoni...). Pour moi il n’y a pas de meilleure école. J’ai ensuite découvert avec un appétit sans bornes toutes les musiques, du classique au contemporain, au jazz et aux musiques du monde. J’ai appris le solfège et suis devenu lecteur à vue, ce qui est un atout incontestable aujourd’hui.
A cinq ans je passais des heures devant le petit orgue Bontempi (sur lequel ma mère chantait en s’accompagnant) à chercher à reproduire des mélodies sur le clavier en choisissant le bon bouton main gauche pour former les accords. Je me ferai vite offrir des modèles plus élaborés jusqu’à un imposant orgue "classique" à deux claviers et pédalier, pour lequel jeune adulte je prendrai des leçons auprès d’un organiste. Mais le piano me fascine aussi, et je finirai par m’inventer ma propre technique sur un Clavinova que je possède toujours. Le Bontempi de mon enfance m’aura été très utile pour apprendre la notation des accords à base de lettres, utilisée dans le jazz et les musiques d’aujourd’hui. J’ai donc eu un parcours à rebours, en commençant par les musiques de mon époque et en allant vers les fondamentaux. La musique chorale et vocale est bien sûr au centre de mes passions musicales. Du chœur d’enfants je suis passée sans interruption au chœur d’adultes puis à l’ensemble vocal professionnel. Peu après je me suis mis à diriger et y ai trouvé beaucoup de plaisir. Aujourd’hui, je continue de chanter au sein de Soli-Tutti et dirige 3 chœurs : les personnels à Paris 8 ainsi que les étudiants du Petit Chœur, et le chœur Arpeggione de Gagny. Par ailleurs, je suis très heureux d’avoir initié le projet de fanfare de Paris 8 en 2015, qui commence à porter ses fruits et à qui je souhaite longue vie.

Tu as participé à des projets musicaux internationaux, quels enseignements et impressions retires-tu de ces expériences ?


La musique est une discipline qui se joue des frontières, c’est une richesse extraordinaire de pouvoir communiquer grâce à elle sans parler la même langue. Quelle chance inouï j’ai eue d’avoir pu depuis trente ans partager avec des musiciens de tous les coins du globe lors de rencontres autour de projets d’échanges artistiques. A Cuba, en Argentine, au Brésil, en Acadie, aux États-Unis, dans nombre de pays d’Europe, en Géorgie, en Turquie, en Russie et en Sibérie, au Sénégal, au Cap-Vert et jusqu’au Japon. L’expérience la plus forte sera celle que nous avons tissée pendant plusieurs années avec un groupe de chanteurs zoulous d’Afrique du Sud, où la rencontre de deux cultures musicales restera gravée dans nos mémoires comme un moment d’humanité plein de petits fragments de bonheurs et de joies impérissables. À également un spectacle fort en émotions avec deux danseurs aux accents du flamenco retraçant la vie du poète Garcia Lorca. Je resterai marqué par la découverte des différentes cultures par les femmes et les hommes qui la font, au travers de la musique et les collaborations avec des artistes d’autres domaines comme la danse et les arts plastiques, où ces disciplines s’enrichissent mutuellement.

Quelle chanson te semble représenter 2020, cette année si particulière ?


Une chanson de Jonasz qui dit comme ça avec son air désabusé :
Je veux aller où l’air est plus doux
Où la colombe vole en-dessous
Où le printemps entre un jour comme un fou
Vous saisit au revers
Au détour d’un chemin vert
Et vous dit
Ça va pas comme ça
Changez tout changez tout
Votre monde ne tient pas debout
Changez tout, changez tout, changez tout.

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