AttEx2 : L’attention comme réglage de l’équilibre exploration exploitation
Au croisement de la psychiatrie computationnelle et de la psychologie cognitive, notre projet renouvelle la compréhension de l’attention et de ses troubles. Notre hypothèse est que le degré d’attention dont on fait preuve à chaque instant est le réglage du compromis exploration-exploitation : la distraction correspond à un privilège pour l’exploration tandis que la focalisation à un privilège pour l’exploitation. Autrement dit, l’inattention est une exploration. Dans une perspective inter-individuelle nous montrerons que la diversité des traits attentionnels s’explique aussi par le réglage de ce compromis : les personnes les plus inattentives (en général, dans plusieurs domaines de leur vie), sont celles qui manifestent une tendance à l’exploration dans ces domaines. Nous testerons cette hypothèse dans quatre domaines différents : la décision (en utilisant des tâches de loteries), la perception (en utilisant des tâches de conflits entre une cible et des distracteurs), dans la recherche spatiale (en utilisant un jeu vidéo simulant une recherche de nourriture) et enfin dans des tâches de production verbale, qui nous donneront un accès privilégié non seulement au comportement individuel, mais aussi au cours de la pensée. De plus nous testerons l’hypothèse d’un mécanisme neurophysiologique favorisant l’exploration, basé sur une activité tonique élevée dans les noyaux neuromodulateurs du mésencéphale (Locus Coeruleus et Aire Tegmentale Ventrale).
Nous adopterons une approche de différence individuelle : nous chercherons à montrer que les individus manifestent des biais exploratoires à travers toutes ces différentes tâches, en espérant conférer ainsi une certaine généralité à notre hypothèse "l’inattention est une exploration". Nous testerons nos tâches systématiquement d’une part dans une population de jeunes adultes neurotypiques, tout en recueillant leur auto-évaluation sur un questionnaire clinique destiné à évaluer l’intensité des troubles attentionnels. Mais nous testerons aussi une population d’enfants, en contrastant des enfants neurotypiques évalués sur une échelle d’attention et des enfants souffrant de Trouble Déficit d’Attention / Hyperactivité.
En utilisant les méthodes de psychologie expérimentale et de modélisation computationnelle combiné à l’imagerie, les plus récentes à la fois dans le domaine de la prise de décision, de la perception, de la recherche spatiale et del’analyse automatique de langage naturel, ce projet a pour ambition de donner une définition unifiée de l’attention. En considérant l’attention à la fois comme ressource et comme mécanisme nous nous appuyons sur deux domaines de recherche distincts qui étudient la balance exploration-exploitation : prise de décision et les comportements de recherche, et nous les appliquons à des domaines nouveaux : l’attention sélective en perception et la production verbale. Ce projet est également une contribution au champ émergent de la neurodiversité qui suppose que les différences neurodéveloppementales résultent de variation naturelle du génome car ces variations interindividuelles des comportements exploratoires se retrouvent dans tout le règne animal où la recherche de nourriture est primordial pour la survie. La proposition que le
TDAH pourrait être une stratégie cognitive plutôt qu’un déficit pur (Van den Driessche et al. 2019) ouvre des perspectives de prise en charge pour les patients TDAH mais aussi dans le champ de l’éducation en général.
Le projet a débuté en 2022 pour une durée de 48 mois.